Modèle de performance et référentiel technique

Référentiel technique et évaluation
Extrait d'un article de S. Leblanc et J. Saury " Les conceptions de la technique dans le raisonnement pédagogique d'éducateurs sportifs en voile ", STAPS n° 44, décembre 1997


  1. La notion de conception se rattache aux travaux menés en didactique des sciences (pour une revue, voir Giordan et de Vecchi, 1987). Selon cette approche, chaque individu interprète les phénomènes naturels (physiques et biologiques), ou les concepts des disciplines scolaires, en faisant appel à un " déjà-là " conceptuel. Celui-ci se présente comme une structure sous-jacente, un modèle explicatif fonctionnel articulant des composants multiples de façon cohérente et signifiante. Ces conceptions sont personnelles et souvent peu explicites, mais susceptibles d'être socialement partagées, de sorte que l'on puisse repérer au sein d'un groupe des catégories relativement limitées de conceptions relatives à un même objet.
    Dans le cadre de l'enseignement sportif, les contenus d'enseignement ne se définissent pas en référence à des concepts, mais à des techniques sportives. Ainsi, confronté à l'observation d'un pratiquant engagé dans une tâche motrice, chaque éducateur sportif mobiliserait plus ou moins explicitement une conception de la technique, c'est-à-dire un modèle conceptuel relatif à l'habileté considérée. Cette hypothèse est accréditée par Genet-Volet et Godbout (1992), qui ont analysé les représentations de l'habileté à se démarquer en sports collectifs chez des éducateurs sportifs canadiens. Leur étude fait apparaître trois modèles ou " produits-normes " du démarquage, que les auteurs assimilent à des référentiels mobilisés par les éducateurs physiques lorsqu'ils observent et évaluent les performances des élèves. Une étude récente de Gal et Durand (soumis) montre que des enseignants d'éducation physique non spécialistes et spécialistes de natation ont des conceptions différentes de la technique du virage en crawl les premiers considérant cette technique comme un " produit " (mouvements à réaliser en référence aux meilleurs nageurs), le seconds comme un " processus " d'adaptation individuel (visant la recherche du meilleur compromis vitesse-économie). Tout en utilisant une méthode différente la présente étude poursuit une visée analogue : il s'agit de décrire les conceptions de la technique des éducateurs sportifs en faisant apparaître les différents élément pris en compte, et de les analyser dans leu cohérence globale. Ne disposant pas de résultats d'études antérieurs susceptibles de permettre de formuler des hypothèses précises relatives à ces conceptions en voile, il est toutefois possible de se référer à une typologie issue d'une analyse a priori (Leblanc, 1995 ; Saury, 1994). Celle-ci distingue quatre conceptions, appréhendant respectivement la technique comme :
      1. étroitement déterminée par les principes mécaniques de fonctionnement du bateau,
      2. définie par les comportements des régatiers de haut niveau,
      3. résultant de la combinaison optimale de thèmes fonctionnels fondamentaux : équilibre, direction, propulsion,
      4. relevant de stratégies individuelles d'optimisation des interactions régatier -bateau - environnement.

Rapprochées de modèles généraux relatifs aux habiletés motrices, ces conceptions peuvent se différencier selon deux axes. Sur le premier, elles accordent un primat soit aux dimensions manifestes de l'activité du pratiquant, soit à ses dimensions sous-jacentes (Famose, 1990). Sur le second, elles accordent un primat soit aux contraintes externes pesant sur l'activité, soit à sa dynamique interne et à ses propriétés d'auto-organisation (Higgins, 1985).